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 Chapitre V

 

Battage au Manège Battage à la Moissonneuse - Batteuse Moisson
 

Travaux de labours

 

Travaux Agricoles

 

Travaux Agricoles

 

Livraison de la récolte

 

 

 

Visite à la ferme

 

 

SOUVENIRS DES PERSONNES AGÉES

 A l'Oûtre dans l'immeuble occupé par Madame Vve Dufourd existait une forge. Un peu plus loin un café - épicerie tenu en premier lieu par Madame Barbelivien et ensuite par Monsieur et Madame Jean Bouchet.

 Toujours à l'Oûtre une couturière dans la personne de Madame Chevalier. Un atelier de forge et charronnage tenu par Messieurs Delaunay et Goyer.

 La Boulaie

Antérieurement à 1900 le grand-père d'Émile Bourdais y tenait une forge dans l'immeuble qu'il occupe. 

Ste-Marie

Rose Bodier exerçait la profession de couturière et repasseuse de coiffes, dans l'immeuble occupé par Monsieur et Madame Baulent. 

La Ferronnière

Une cantine pour les Fours à Chaux existait et était tenue en premier lieu par Madame Pierre Roul, dont le mari était facteur, et ensuite par Madame Piétin. On y trouvait également un atelier de forge et charronnage pour l'entretien du matériel des Fours à Chaux. 

Les Garrelières

Dans l'immeuble actuellement occupé par Monsieur Félix Boisseau existait un café-épicerie tenu par Jean Fourrier. 

La Basse-Ferronnière

Dans l'immeuble occupé par Monsieur et Madame Stanislas Phelipot existait un café-épicerie tenu par les grands-parents de Monsieur Phelipot. Dans l'immeuble occupé par Monsieur et Madame Alexandre Colin, Monsieur Alphonse Rolland exerçait la profession de ferrailleur, commerce de chiffons. peaux de lapins et distillateur.

La Pelouinais

Une forge - maréchalerie existait, dépendant en premier lieu des Fours à Chaux, tenue ensuite par Monsieur et Madame Bouchet, qui firent également l'entreprise de battage avec locomobile, batteuse et monte - paille. Dans l'immeuble occupé par Monsieur et Madame Jean Roux, Monsieur François Bourdel tenait un café - épicerie et exerçait également la profession de distillateur, il faisait aussi des tournées sur campagne pour ramasser les œufs et le beurre et vendre de l'épicerie, comme le faisaient avant lui ses parents. 

La Rousselière

Dans l'immeuble occupé par Madame Gérard, Madame Navinel exerçait la profession de couturière et repasseuse de coiffes, de même Mademoiselle Germaine Chevalier exerçait cette même profession dans les bâtiments démolis ces dernières années par la Société MEAC. 

La Croix-Colliot

Dans l'immeuble appartenant à Monsieur Émile Boisseau, Monsieur Émile Fraslin et ensuite Monsieur Échelard ont tenu un café - épicerie et un commerce de grains et engrais. 

Le Hadet

Dans l'immeuble occupé par Monsieur et Madame Léon Poulain existait un café. 

Le Sauzaie

Antérieurement à 1900 existait un café tenu par un ménage Pouplin. Pendant le fonctionnement du réseau à voie étroite Châteaubriant - La Chapelle-Glain et Ancenis, il existait une Halte. 

La Touche

Village important, où l'on trouvait trois forges - maréchaleries. L'une tenue par Monsieur Jean Dutertre, ensuite par Monsieur Travaille et en dernier lieu par Monsieur et Madame Cottineau. La deuxième dans l'immeuble actuellement occupé par Monsieur et Madame Michel Guyon était tenue par Monsieur et Madame Segretin et antérieurement depuis fort longtemps par leurs ancêtres. La troisième était située au début entre la maison de Madame Lebossé et celle de Monsieur et Madame Joseph Bouchet, elle était tenue en premier lieu par Monsieur Joseph Barthélémy et ensuite par Monsieur et Madame Pichot et leurs enfants.

Ateliers de charpente : Le plus ancien tenu par Monsieur Dutertre, mort au cours de la guerre 1914-1918, a été aboli. Un autre était tenu par Monsieur Henri Éveillard précédemment à la Maffrière. Un troisième tenu par Messieurs Navinel père et fils, spécialistes de la fabrication des voitures anglaises (hippomobiles). Un quatrième tenu par Monsieur et Madame Palierne, auquel s'ajoutait une petite scierie. Par la suite Messieurs Jules Poirier et Alexandre Crossouard.

Deux cafés - épiceries, l'un à l'angle de la route de Châteaubriant et de Soudan, tenu actuellement par Monsieur et Madame Jambu, l'était en premier lieu par Louisette Deneu devenue par la suite Madame Poupel, dont le mari était cerclier. Le deuxième existait à l'époque où habitent actuellement Monsieur et Madame Ouvrard et a été successivement tenu par Monsieur et Madame Petit, Monsieur Joseph Leray également distillateur, Monsieur Guérif également distillateur, etc. Un dépôt de tabac est adjoint.

En outre, il existait un chaisier en la personne de Monsieur Gougeon, habitant en premier lieu à l'Étang (maison Auffray) et en dernier lieu où habitent Monsieur et Madame Bouchet. Monsieur Miglioretti exerçait la profession de bourrelier où habitent actuellement Monsieur et Madame More!. Un taupier Monsieur Moquet, habitait rue Rigale ou rue du Parlement ! Plusieurs jeunes filles exerçaient la profession de couturière, parmi elles : Mademoiselle Moquet et Mademoiselle Brémont, filles de cantonnier. Une repasseuse de coiffes Madame Gicque ! Un maréchal - expert et traiteur Monsieur Gasnier. 

La Noë-Poirier

Atelier de charpente tenu par Monsieur Jean Éveillard. 

La Bouffetière

Un facteur, Monsieur Fourrier. 

La Gatinière

Un café tenu par Monsieur et Madame Faucheux. 

La Croix des Landelles

Un café tenu par Monsieur et Madame Hamard, ce dernier était également roulier et débardait les bois en forêt Pavée. 

Les Landelles

Un café - épicerie tenu par Monsieur Bouchet où habitent actuellement Monsieur et Madame Rabin. On y trouvait plusieurs rouliers, un charbonnier Monsieur Montreuil, un distillateur Monsieur Gautier, un cantonnier Monsieur Lambert, une cocassière Madame Durand où habite actuellement Monsieur F. Guyon. 

La Sépellière

Un commerçant de porcs, Monsieur Masson habitait le local à l'état de garage des frères Cadot. 

La Feuvrais

Dans l'immeuble actuellement occupé par Monsieur Hersant existait un café - épicerie tenu par Madame Gaudin dont le mari était également roulier - débardeur. 

La Bourgeoisie

Un atelier de charpente tenu par Monsieur Auguste Malœuvre.

La Barbotière

Un violoneux réputé y habitait Monsieur Jean Poirier, qui animait de nombreux bals de noces et fêtes.

 

LE BOURG

Deux boulangeries : Monsieur Alfred Rochard où se trouvent Monsieur et Madame Christian Rétif. Monsieur Théophile Rétif où se trouvent Monsieur et Madame Gaston Rétif. 

Deux forges et maréchalerie : l'une dans l'immeuble occupé par Monsieur et Madame Joseph Fraslin tenue par Monsieur Aristide Letort. L'autre route du Grand-Auverné, immeuble occupé par Monsieur et Madame Portais, tenu par Monsieur Bodet et ensuite Louis Sauvager.

 Deux ateliers de charron nage route du Grand-Auverné : l'un tenu par Monsieur Pierre Dutertre dans l'immeuble occupé par Monsieur et Madame Crespel. L'autre par Monsieur Auguste Éveillard dans l'immeuble occupé par Madame Rouger.

 Deux menuiseries : Monsieur François Goueset, successeur Monsieur Cohuaud, lequel a exercé en premier lieu dans l'immeuble occupé par Monsieur et Madame Lebel (charcuterie). Monsieur Joseph Rochard dans l'immeuble occupé par sa fille Mademoiselle Rochard.

 Trois sabotiers - coiffeurs: Monsieur Léon Moulin père et ensuite fils (pour la coiffure), Monsieur Léon Moulin (père) exerçait en premier lieu dans l'immeuble occupé par Madame Loyet. Monsieur Henri Avoué à la gare, immeuble Bouchet. Monsieur et Madame Édouard Tigeot, immeuble actuellement occupé par Monsieur et Madame Joseph Papin.

 Plusieurs cafés et cafés – épiceries :

- Monsieur et Madame Pécot et ensuite Delamarre dans immeuble de Monsieur et Madame Cocaud.

- Mademoiselle Alphonsine Durand, immeuble de Monsieur et Madame Gauchet.

- A la gare Monsieur et Madame Avoué, café – épicerie - quincaillerie, immeuble de Monsieur et Madame Chevalier.

- A la gare café tenu par Monsieur et Madame Boudet, qui étaient également traiteurs (noces sur campagne à domicile), Madame Boudet avait la responsabilité de la gare d'Erbray et Monsieur Boudet exerçait en outre la profession de maréchal - expert. La succession a été assurée dans les lieux par Mademoiselle Boudet devenue Madame Jean Barbelivien, café – épicerie - tournées en campagne. Madame Barbelivien assura également le service de la gare jusqu'à sa suppression. Monsieur Barbelivien, très doué pour le chant et l'accordéon, était très célèbre loin à la ronde et il anima de nombreux bals de noces et fêtes. Leur fille devenue Madame Belay leur succède dans les lieux.

- Dans l'immeuble actuellement occupé par Monsieur et Madame Léon Moulin existait un café - épicerie tenu par Monsieur et Madame Jean Deneux, lesquels exerçaient avant dans l'immeuble propriété de Monsieur Cohuaud. 

- Dans l'immeuble Lebossé occupé par Monsieur et Madame Jean Éveillard, existait une petite épicerie tenue par Madame Pourrias.

- Un café existait également dans l'immeuble propriété de Monsieur et Madame Lévêque de La Meilleraye et loué actuellement à Monsieur et Madame Faucheux Bénoni, tenu par Monsieur et Madame Fraslin, ce dernier exerçait le commerce de grains et engrais, ils furent remplacés par Monsieur et Madame Gabriel Belay.

- Dans l'immeuble actuellement propriété de Monsieur et Madame Bénoni Faucheux, il existait un café tenu par leurs grands-parents, en outre Madame Faucheux grand-mère tenait un commerce de charcuterie et Monsieur Faucheux une entreprise de maçonnerie. Plus tard Monsieur Faucheux fils exerça en plus la profession de boucher et la maçonnerie fut abandonnée. Les petits-enfants ont assuré la relève avec une variante (salle de repas - traiteur).

 A la gare existait dans l'immeuble propriété de Mademoiselle Gautron un commerce de grains et engrais tenu par Monsieur et Madame Rolland.

 Route du Grand-Auverné l'Entreprise Delaunay a pris naissance dans l'immeuble actuellement occupé par leurs parents.

 Un tailleur : Monsieur Bouchée exerçait dans la partie nord de l'immeuble des Demoiselles Frémont.

 Deux cordonniers: Monsieur Jean David, qui exerçait dans l'immeuble actuellement occupé par Monsieur et Madame Henri Chevalier, et ensuite dans l'immeuble Lévêque avant Monsieur Fraslin. Monsieur et Madame Frémont grands-parents, Madame Frémont tenant un magasin de quincaillerie repris par sa fille Madame Fraslin, Monsieur Frémont fils continuant la cordonnerie.

 Un bourrelier : Monsieur Raimbert dans l'immeuble occupé par ses enfants.

 Un couvreur : Monsieur Aristide Fleuret, immeuble au-dessus de la salle Faucheux route de Louisfert anciennement occupé par la poste.

 Une boucherie tenue par Monsieur et Madame Tariot auquel succéda dans leur immeuble pour la boucherie Monsieur Henri Cadot. Par la suite ces immeubles furent occupés par Monsieur et Madame Léon Roussel (père) tisserand - drapier (angle et côté gauche du Chemin des Vignes).

 Un commerce de cycles tenu par Monsieur et Madame Cherhal existait dans l'immeuble Cohuaud après le départ de Monsieur et Madame Deneux, Monsieur Cherhal était en même temps facteur.

 

DES ANCIENS RACONTENT

La vie des agriculteurs à partir du début du siècle (1900-1930) par Joseph Peigné« La Haute-Haie»

 La ferme.- Les fermes, au début du siècle, étaient beaucoup plus nombreuses qu'aujourd'hui et leur importance plus réduite, les superficies moyennes oscillaient aux environs de 35 à 45 maximum 50 journées (la journée = 50 ares), rares étaient les exploitations plus importantes; mais nombreuses étaient celles plus petites, avec une superficie de 8 à 12 journées, appelées « biqueries ».

 A cette époque de jeunes ménages (anciens domestiques agricoles) se mariant vers 25-30 ans avec leurs modestes économies se « montaient » comme on disait à l'époque, traduire « s'installer », dans une « biquerie » avec un couple de biques et deux ou trois vaches, la femme restant à la maison s'occupait des soins à donner à ce faible cheptel et le mari continuait d'aller à « ses journées » dans les fermes voisines. Souvent au bout d'un bail dans une « biquerie » (9 ans) le ménage prenait une ferme plus importante, soit en métayage ou en fermage 28 à 30 journées, au bout d'un autre bail lorsque la famille grandissait l'on changeait une nouvelle fois pour s'installer sur une superficie plus importante.

 Il n'était pas rare pour un agriculteur arrivant en fin d'activité d'avoir changé trois à quatre fois d'exploitation. A l'époque, il fallait travailler et beaucoup « ménaïger » pour arriver à un résultat.

 Les structures des fermes et l'état des bâtiments n'ont guère évolué entre 1900 et 1918, ce n'est qu'après la guerre qu'une évolution se produisit et même assez rapidement.

Les exploitants.- Les fermes moyennes étaient généralement tenues par un ménage, l'homme assisté d'un, quelquefois deux « domestiques» (salarié homme), se chargeait avec eux des gros travaux des champs (tout se faisait à la main) ; la femme avec l'aide d'une « chambeuriaire » (salariée féminine) s'occupait de « tirer » les vaches, « d'abeurver » les cochons et les « viaoux », de soigner les lapins et les volailles avec les « venailles » (déchets de céréales) orge, avoine, blé, et bien sûr, tout en s'occupant des enfants, de la maison, de la cuisine, de la lessive et de « rabiller » les « hardes» (raccommoder les vêtements), à la saison les femmes s'occupaient également du jardin et en période de gros travaux aidaient les hommes. 

Les travaux à la ferme.- « Les Semailles ».- Les fermes d'importance moyenne (40 à 50 journées) comportaient un bon quart voir un tiers en « prées » naturelles et le reste en terre de labour, et les usages du Pays autorisaient le fermier à ensemencer en « grain » (blé) le tiers des terres de labour ; l'avoine se mettait généralement sur « écot » de grain, si bien que les labours lui étant nécessaires commençaient dès la mi-septembre pour la semer au début octobre, après quelques tours de herse et de rouleau la semence était « cachée » avec la « canadienne ». Le semoir n'existait qu'à  quelques rares unités avant la guerre, ce n'est que vers 1925-30 qu'il se généralisa.

Ensuite pour le « grain » le bon fermier préparait sa terre par des cultures de printemps dont « 2,5 à 3 journées » de « lisettes » (betteraves fourragères) dont la fumure en fumier avait été enfouie en début de saison et aussi 3 à 4 « journées» de « bié-naï » (sarrasin) qu'on aura aussi fumé au printemps en partie (on disait que c'était un bon retour), le reste de l'ensemencé se faisait sur du « fraïche » ou vieux « garet » (anciennes pâtures), on appelait l'ensemble des travaux de semailles faire la « Toussaint ». 

Les labours se faisaient à la traction animale soit : deux bœufs bien « dressés» de trois ou quatre ans et devant deux jeunes bœufs de deux ans et parfois deux autres qu'on « dressait » chacun à leur tour, le tout précédé de une ou deux juments. 

Les jeunes bœufs qu'on avait dressés étaient souvent vendus à la foire des terrasses ou un autre mercredi sur la Motte à Châteaubriant, on les vendait sous le « joug », cela faisait de bonnes « effouilles » pour payer le « Patron » à la « Toussaint » ou son « Maite »(propriétaire). 

Tout au début du siècle les labours se faisaient à la « cherrue » et ses « rouelles », dont un homme tenait les « mancherons » et l'autre conduisait le « harnais » soit : les bœufs avec le joug sur la tête fixé aux cornes par de longues courroies de cuir, une pièce de fer recourbée traversait le joug en son milieu qu'on appelait le « courbeton », cela servait à atteler le « harnais » à la « cherrue » au moyen du « timonet », sorte de forte pièce de bois crochue, assortie en son crochet de deux « rondes », l'une pour tirer en avant, l'autre pour freiner en arrière, les dites « rondes » étaient savamment confectionnées chacune avec une longue « hart », longue tige de jeune chêne tordue à la main comme une corde. 

Avec la « cherrue » les labours se faisaient en « planches » de six à huit mètres de large ce qui permettait aux terres ensemencées de s'égoutter l'hiver par les grandes pluies qu'on nommaient les « deurits ». 

Après la « Toussaint » faite l'on va retrouver un peu de détente. A noter cependant que la « cherrue » a cédé la place au « brabant Huard » ou « Pichard » vers 1900 à 1910, ce qui permit les labours à « plat » et de n'occuper qu'un homme; on était encore bien loin des tracteurs dont les premiers modèles, avec quatre roues fer, ne sont apparus que vers 1923-1925 tout en restant très rares, la traction mécanique ne s'est vraiment généralisée qu'après la guerre 1939-1945. 

Le travail et la vie en hiver.- C'est un peu la morte saison; mais à la ferme il y a toujours à faire, d'abord il y a les pommes à finir de « serrer » (ramasser) et ensuite à « piler » et faire le cidre quand les pommes sont bien mûres (fin novembre, début décembre). Il y avait des fermes qui avaient leur matériel à bras ou à cheval, et dans les villages ou autour du Château, il existait souvent un énorme « peursoué » commun à tous les gens du village ou aux fermiers dépendant de la propriété. 

En « ramarrant » (rassemblant) mes vieux souvenirs, je me rappelle que la « maie » était importante (une douzaine de mètres carrés) avec une énorme poutre au-dessous et une autre pareille au-dessus, toutes les deux équarries à 80-90 cm de côté (deux beaux pieds de chêne), dans cette maie, on y plaçait deux bonnes « camionnées » (tombereaux) de pommes pilées préalablement dans une grande auge circulaire en granit. Le travail de pilage s'effectuait de la façon suivante : environ 200 kg de pommes étaient réparties sur le fonds de l'auge avec une « reste » (grand panier avec poignée à chaque extrémité), ensuite elles étaient écrasées au moyen d'une grande roue en bois ou en pierre de 1,75 m de diamètre tirée par une jument qui tournait en rond; ensuite elles étaient transvasées dans des grandes cuves où elles étaient laissées pendant vingt quatre heures; le lendemain on faisait le « sac », travail consistant à alterner dans la « maie » une couche de pommes pilées, une couche de paille appelée « torchée », lorsque le sac était monté, il était recouvert de madriers au-dessus duquel les « béliers » (petites poutres de 20 au carré) et ensuite la poutre supérieure était descendue au moyen d'une énorme « vis », déjà le poids de cet ensemble faisait couler le cidre doux, afin d'en sortir le maximum il était procédé au serrage du « sac » et ensuite on le tallait et on effectuait un deuxième serrage. Le cidre était transporté dans le « cellier » et logé dans des « tonnes » où on le laissait « bouillir » (fermenter) pour procéder ensuite au soutirage. 

En plus de ce travail, il y avait les soins journaliers à apporter aux animaux « les bêtes à soigner », la stabulation à cette époque durait au moins les trois quarts de l'année, car au début du siècle les clôtures de « barbelés » n'existaient pas, elles ne sont apparues qu'après la guerre 1914-1918 où les combattants en avaient fait la connaissance ; donc toutes les bêtes restaient au « taïl » (étable), certains « frambreuÿeu » toutes les trois semaines, d'autres « curaient » chaque matin (enlever le fumier), ces derniers avec une « beurouette » (brouette), on « affourait » (affourageait) trois fois par jour: matin, midi et soir en plus trois fois on conduisait les bêtes « baïl » (boire) à la mare, vaches et bœufs, ces derniers sont disparus progressivement à partir de 1920 et ont été remplacés par des juments que l'on faisait pouliner. Les soins au bétail étaient partagés entre hommes et femmes, les hommes s'occupant des gros animaux et les femmes des veaux, cochons et de la basse-cour. En hiver, tout ce travail était fait de nuit en s'éclairant dans les étables de « falots » à bougie, par la suite avec des lanternes « tempêtes» (au pétrole), à la maison en premier lieu avec des « chandelles» et ensuite avec des lampes également à pétrole. La campagne n'ayant connu l'électrification que postérieurement à 1930 pour la majeure partie. 

La nourriture des juments était à base de foin auquel on ajoutait le « picotin » (mélange d'avoine, son et farine) ; pour les bovins c'était plus compliqué: foin et « vert » constitué à l'automne par les « eumorches de lisette » (feuilles), ensuite on « euffouilleu » les choux tous les deux jours par tous les temps, ce n'était pas drôle du tout, lorsqu'ils étaient « mouilleus » on se « pouilleut » (s'habillaient) de vieux vêtements avec des tabliers fabriqués avec des sacs, chaussés de sabots « comète », plus tard des galoches, le bas des jambes enveloppé dans de vieux chiffons ou des feuilles de choux à la rigueur, en guise de molletières. Les bottes de caoutchouc ne sont apparues que vers 1935-38. 

La corvée de choux durait jusqu'à la mi-janvier, ensuite l'on commençait à couper les « trous » (troncs) qui étaient surtout distribués aux vaches et aux bœufs après avoir été fendus. Les jeunes animaux étaient alimentés avec les « lisettes » qu'on « miçait » (couper) à la serpe ou au coupe-racines, la distribution se faisait avec des paniers d'osier, ces derniers étaient façonnés par les hommes le soir à la veillée auprès du feu. 

En hiver, après les « bêtes soignées » et « deujeuneu » les hommes partaient aux champs vers neuf heures pour effectuer les travaux de la saison, « érafier » haies et fossés autour des prés et champs avec faucille et « bro­quette » (bois fourchu) (ce n'était pas remembré !), il y avait plusieurs kilomètres pour chaque exploitation. Ensuite la taille des haies était entreprise avec fabrication de « fournilles » (bourrées d'épines pour chauffer le four et de fagots pour les besoins de la maison: feu dans la cheminée, et sous la chaudière pour cuire les « pataches » (pommes de terre) pour les « gorins » et aussi pour les « laiveries » tous les quinze jours. L'outillage consistait en « vouge » (genre de serpe) .munie d'un long manche ou à défaut un croissant, une serpe, une hache. Lorsqu'il y avait deux hommes l'un abattait la haie, l'autre façonnait les bourrées en s'aidant de faucillon ou serpe et d'une broquette ; ensuite dans un deuxième temps : le bois de haie était coupé à son tour, les « ceupées » de châtaigner, cerisier, frêne, ormeau, noisettier, après il était procédé à l'émondage des « émondes » « ragosses » ou « teurouines », cet abattage avait lieu, selon les usages, tous les neuf ans, bourrées et fagots étaient liés avec une « hart» au milieu. Peu avant la deuxième guerre le fil de fer est apparu en remplacement de la « hart ». 

La vie au repos.- Vie interne le soir après avoir mangé la soupe aux choux, en l'occurence des « bricollets », la veillée commençait, tout le monde s'assemblait autour d'un bon feu de cheminée alimenté par des rondins ou du « cassis d'émonde » modestement éclairé (feu et chandelle) de « rouzine », bougie ensuite, après lampe « pigeon» et vers 1905 lampe à pied ou suspendue à la poutre avec une poulie pour la baisser et la remonter; mais cette dernière n'était allumée que pour les grândes circonstances. Au cours de la veillée les hommes fabriquaient les uns des paniers avec des brins de châtaigner fendus et des osiers, les autres des « geudes » avec de longues ronces fendues et grattées du « geurnât » (herbe haute assez rigide poussant en lieux humides), « marrouillage » ou de la paille dont seul l'épi avait été égrainé. 

Ces « geudes » servaient à mettre la pâte, entrant dans la fabrication du pain de ménage, qui à la sortie du pétrin était placée dans ces geudes souvent déposées dans un lit bien chaud pour faciliter la levée.

Les travaux de printemps.- Fumure des prés en fin d'hiver consistant en un épandage de « mottées » constituées de terre provenant de fourrières trop hautes, de résidus, déchets de toutes sortes, « eupigots » (baies de céréales) mélangés à de la menue chaux, l'ensemble « branser » et ameubli en deux ou trois fois, ces mottées après ce travail étaient chargées dans les « camions » (tombereaux) et réparties par. rangées de « mulons » (tas) pour être ensuite « euvailleu » (étendus) avec un « palis ». Les engrais chimiques n'étaient pas employés avant la guerre 1914-1918, sauf quelques engrais organiques tel l'engrais « Salmon » (produits d'équarissage) et le « Guano du Pérou » ". 

La vulgarisation des engrais chimiques est apparu après 1918 : Potasse d'Alsace « Kaïnite ou sylvinite », Scories « Thomas » qui venaient de Lorraine, Nitrate de Soude. Au début l'épandage s'effectuait à la main, les distributeurs d'engrais ou épandeurs n'ayant fait leur apparition dans la commune que vers 1 927-28, ce qui permit l'intensification de ces engrais.

Au printemps, la terre égouttée, il fallait penser aux premiers labours. D'abord charroyer le fumier qui avait été accumulé au cours de l'hiver et ce avec les camions attelés des juments, le chargement se fait à la fourche et ensuite ces « charettées » sont conduites dans les champs où l'on procède à la répartition par rangées de mulons; dans un second temps, ce fumier est repris à la fourche pour « l'euvailleu », à cet effet on mobilise tout le personnel disponible hommes et femmes. En premier lieu, c'est la terre pour les « pataches » et les <<lisettes » qui va être charruée, ensuite quelques « fourrières »,pour les semis de choux et « lisettes » (betteraves), ces fourrières réservées à l'automne en bout de champ de« grain » ; ces semis portaient également le nom « d'airettes », ils sont souvent effectués au cours de la semaine sainte, car il était de coutume de mettre les gros travaux au ralenti au cours de cette semaine là. Le vendredi saint, aucun attelage de bœufs ou chevaux ne se trouvait dans les champs, tous les travaux culturaux étaient arrêtés. Les premiers labours se faisaient, fin mars début avril, dès que l'état de la terre le permettait et après avoir « arrangé » les champs de blé et avoine (hersages de long et de travers suivis d'un passage de rouleau, ces passages étaient précédés dans certains champs qu'on voulait « appreuyer » de semis (trèfle violet, ray-gras, luzerne). 

Pour les « pataches et lisettes », qu'on appelait plantes sarclées, la terre était labourée au moins trois fois par passages successifs de charrues, herse et rouleau, afin de détruire le « bourrié » (mauvaises herbes) et afin qu'elle se trouve propre pour le blé à la Toussaint. Les pataches étaient mises en terre début mai, souvent une superficie d'une « journée » (50a). Elles étaient utilisées cuites à la confection du « gabouriaou » (mélange de pommes de terre cuites et de farine d'orge) pour la nourriture des cochons. 

L'orge nécessitait moins de travail de la terre et était souvent ensemencée courant mars ou début avril sur choux, sans fumier à cause de la « verse », seulement un apport d'engrais complet. Pendant la période printanière, il fallait aussi sarcler les blés et avoines (arracher à la main : aïl, pabots (coquelicots), nielle, bleuets et autres mauvaises herbes), ce travail était accompli par les femmes, qui s'occupaient également du jardin potager, quelquefois le concours d'un homme !

 L'emploi de l'acide sulfurique comme premier désherbant est apparu timidement vers 1920, l'emploi en était dangereux, mais efficace. Le traite­ment se faisait au moyen d'un appareil à dos appelé « Vermorel » dans lequel on versait l'acide mélangé à de l'eau.

 L'usage de produits moins dangereux ne s'est généralisé, qu'une vingtaine d'années plus tard, avec des appareils hippomobiles munis de rampes de 6 à 8m.

 Pendant que les adultes s'affairaient aux travaux agricoles les enfants fréquentaient l'école généralement jusqu'à 12 ans (âge du certificat d'étu­des), mais malheureusement certains n'allaient pas jusque là, car il fallait garder les vaches.

 Le chemin de l'école se faisait à pied bien sûr et en sabots, plus tard sont apparues les galoches. Au début du siècle tout le monde se déplaçait à pied. Quelque fois, pour aller en ville ou le dimanche à la messe, on attelait la jument sur la carriole.

 Les premières bicyclettes sont apparues en petit nombre vers 1910 et leur vulgarisation après la guerre 1914-18. De même vers 1925 sont apparues quelques « voitures anglaises » avec roues caoutchoutées. Quelques rares automobiles avec roues à rayons de bois, capote de toile et éclairage à « acétylène » sont apparues en 1912; mais même après la guerre 1914-1918, le nombre des voitures automobiles est resté très limité (médecins, vétérinaires, commerçants et quelques privilégiés). Le grand développement s'est produit après 1950.

 Les grands travaux d'été.- En premier lieu la « Piquerie », ensuite la « feunerie », la« seuillerie » et la« batterie ».

 Avant d'attaquer ces chapitres je veux revenir un peu en arrière car j'ai oublié le « bié-naï » (sarrasin), ce dernier était semé après un léger labour et une petite fumure vers la mi-mai pour être récolté ensuite fin septembre, en premier lieu il était coupé et placé debout par brassées, liées par la tête (pigeons) pour qu'il sèche avant de le battre. Cette culture a complètement disparu. Pour la période des grands travaux dans certaines fermes, on gageait un « maitivier » pour faire la « maitive » (période du 24 juin (St-Jean) à la Toussaint) dans d'autres on se contentait de journaliers, indistinctement hommes ou femmes.

 La piquerie de lisettes en juin, après les sillons faits à plat et le plant arraché, on plantait à la tranche (petite lame de fer de 20 cm x 4 cm munie d'un manche court) à la densité de trois plants au mètre, souvent deux journées environ (1 ha), inutile de dire que les reins en prenaient un sérieux coup.

Quelques semaines plus tard on recommençait la cérémonie pour les choux avec une densité de deux au mètre, mais généralement trois journées au lieu de deux (1,5 ha).

La feunerie.- Les dernières années du siècle précédent et les toutes pre­mières années de ce siècle cette opération se faisait à main d'hommes avec des faux, les andains étaient fanés avec des brocs souvent par les femmes et le soir l'herbe en cours de séchage était mise en « boudins » (rangs) pour qu'elle prenne moins l'humidité et le lendemain les femmes repassaient à nouveau pour étendre les « boudins » avec leur broc, la mise en boudins s'effectuait avec des « râtelettes » (râteaux à dents de bois) lorsque le foin avait atteint le degré de siccité convenable, il était mis en « viettes » (meules) par les hommes; et les femmes râtelaient.

Fort heureusement, les premières faucheuses apparurent et supprimèrent ce travail pénible.

La période de « feunerie » commençait, suivant le temps, courant juin par le fauchage des « appreillis » (prairies artificielles) et ensuite par les «. prées » (prairies naturelles), si les faucheuses sont apparues au début du siècle, les faneuses et rateleuses sont venues plusieurs années plus tard, si bien que les opérations de fenaison et de râtelage se faisaient toujours à la main comme indiqué précédemment. Lorsque tout le foin était en « viettes » l'on commençait alors les charrois soit avec les charrettes à bœufs ou à cheval; en premier lieu le foin était entassé dans les « senâs » (grenier sur les étables) et ce jusqu'aux ardoises. Le travail de tassement était souvent l'œuvre des femmes et des enfants, qui en cette saison manquaient fréquemment l'école pour apporter aide à leurs parents.

Mais souvent il était impossible de loger tout le foin dans les « senâs », l'on procédait à l'entassement du reste à l'extérieur dans l'aire sur un soubassement de fagots pour éviter la perte; pour que le travail s'effectue rondement l'on se donnait la main entre voisins pour faire ce qui était appelé la « barge » et lorsque ce travail était terminé et cette « barge » bien en équilibre et bien peignée elle était couronnée d'un bouquet, surtout si c'était l'œuvre d'un néophyte, cela se fêtait gaiement.

Comme il a été indiqué précédemment, les animaux qui étaient maintenus à l'étable depuis novembre de l'année précédente, étaient mis à pâturer la nuit, car dans la journée l'on craignait les mouches; ou dans la journée lorsqu'il y avait quelqu'un pour les garder, si bien qu'on continuait de les nourrir partiellement à l'étable, de même les juments qui travaillaient dans la journée étaient seulement mises à pâturer la nuit. 

Pour nourrir ce cheptel la nourriture était fournie par les prairies artificielles (trèfle violet - luzerne) qui donnaient plusieurs coupes en « vert ». Le matin au réveil très tôt, à l'été 4 heures ou 5 heures, après avoir bu un jus, un homme allait chercher les juments, en attelait une sur le « camion » ou à défaut d'homme une femme pendant que l'autre homme était parti au champ couper la « chartée » à la faux bien sûr, lorsque le camion. Arrivait l'homme qui avait fauché. Il chargeait et l'autre râtelait ou inversement. Le samedi, il fallait deux chartées ! Pendant que les hommes effectuaient ce travail, les femmes s'occupaient de la traite et de soigner veaux et cochons. A cette époque, tous les jours de l'année, de même à l'été, la totalité de la nourriture dite « verte » devait être rentrée chaque jour. De novembre à novembre, le cycle comprenait l'effeuillage des choux, lesquels étaient ensuite coupés, colzas, trèfle rouge, vesceau, luzerne plusieurs coupes, trèfle violet plusieurs coupes, effeuillage des betteraves. 

La seuillerie.- Entre feunerie et seuillerie, il fallait passer la houe (sarcleuse) dans les betteraves et dans les choux ce qui détruisait le « bourrié » (mauvaises herbes) entre les rangs (raizes), mais sur le rang le travail de binage était fait à la main; pour les choux, courant août il était procédé au « renchaussage » (buttage) pour le travail de sarclage ou de buttage l'ins­trument sarcleuse ou butteur était tenu à l'arrière par ses mancherons par un homme et la jument qui tirait l'instrument était guidée par un autre homme, une femme ou un enfant. 

Cette diversion, dans le titre seuillerie s'explique par le fait qu'en agriculture le maître du moment c'est le temps et les travaux précédents étaient précisément effectués lorsque le temps ne permettait pas de s'occuper des travaux de moisson. 

Le travail préliminaire à la seuillerie était de battre faux et faucilles pour « débrousser ou déhaiter ». Ce travail consistait à faire à la main un passage autour de chaque champ à moissonner pour le passage de la faucheuse que l'on équipait à cet effet d'un appareil permettant de faire des « brassées » que l'on laissait tomber de distance en distance. Ces brassées étaient reprises par les femmes et placées sur des liens, préalablement confectionnés avec deux poignées de tiges de blé ou d'avoine, entrelacées par l'épi, ces liens fréquemment mis en place tous les deux tours par des enfants. Lorsque le champ était moissonné, les hommes liaient les gerbes, les femmes et enfants « enquintelaient » (tas en croix comportant généralement trois gerbes sur chaque bras et une coiffant le dessus). 

La seuillerie c'était vraiment les grandes manœuvres et tout le monde y prenait part, deux hommes sur la faucheuse, un conducteur des deux juments qui tiraient l'instrument, un autre qui faisait la « javelle» (brassées), quatre autres personnes hommes ou femmes mais plus souvent femmes, un ou une de chaque côté, deux enfants pour mettre les liens, ces derniers faits le matin à la rosée lorsque la paille était encore un peu humide; aussi pour ne pas perdre de temps l'on emportait au champ la « colation » et la « Marie-Jeanne » pleine de cidre (bombonne). 

Lorsque tous les champs étaient moissonnés « seuillés » l'on charroyait les gerbes et l'on érigeait des « barges » dans l'aire, ce travail se faisait soit avec le personnel de la ferme soit en s'entr'aidant avec plusieurs charrettes, ce qui permettait la confection de la barge dans le minimum de temps, car un orage était toujours possible, dans ce cas ne disposant pas de bâches l'on recouvrait alors rapidement la barge avec plusieurs bonnes « fourchées » de paille de l'année précédente que l'on trouvait à proximité dans un « cul » de pailler, car la prévoyance commandait de conserver les excédents (foin ou paille) pour faire face éventuellement à une année de sécheresse. 

Ce procédé ancien que nous venons de développer et qui était déjà une amélioration par rapport à ce qu'avaient connu les laboureurs (comme on les appelait) de 1880 à 1900-1905. Ce procédé s'est beaucoup amélioré avec l'apparition des moissonneuses-lieuses (deux en 1913-1914) mais leur généralisation s'est effectuée après la guerre 1914-1918, si bien qu'en 1930 toutes les fermes en étaient pratiquement pourvues. Un seul homme avec trois juments tirant cet instrument pouvait moissonner un champ à la cadence d'une « journée » (50 a.) en 1 heure et demie, c'était une amélioration très substantielle, d'autant que les gerbes façonnées par cette machine et liées avec de la ficelle de sisal étaient beaucoup moins lourdes, que celles faites à la main et plus facilement manipulables. 

La batterie.- Certains de nos grands-parents ont connu le battage au fléau, nous ne le mentionnons que comme souvenir. 

Nous, nous avons connu les « batteries avec manège à cheval » dont les premiers spécimens sont apparus fin du siècle dernier dans notre commune (Huard et Dupré) qui étaient fabriquées à Châteaubriant. Avant de com­mencer les opérations de battage il fallait à mains d'hommes mettre en place cette « batterie» qui consistait d'une part à placer au centre du « tournage » (rond aux chevaux) un pilier bois appuyé sur une croix de bois, dont les quatre bras étaient égaux et reliés par une pièce également de bois, au pilier, ce dernier était équipé à sa partie supérieure d'un axe de fer lequel s'emboîtait dans la « Couronne », lourde pièce de fonte surmontée de dents et comportant sur les côtés cinq trous destinés à y introduire les brancards auxquels on attelait les chevaux. 

Sur le côté du « tournage » était placé la « batterie », coffre de bois au centre duquel se trouvait « le batteur », cylindre muni de plusieurs battes dont les espaces intercalaires étaient remplis avec une tôle rivée aux battes, à sa partie supérieure, côté tournage, ce coffre était fabriqué de telle façon que sur deux pièces de son chassis. Il était possible d'appuyer la « Fourche », autre ensemble de bois ayant à une extrémité une pièce de fonte s'emboîtant dans l'axe du pilier au-dessus de la couronne, les deux bras de cette fourche étaient reliés entre eux par des pièces de bois doublées en leur centre de pièce de fonte pouvant recevoir l'axe du grand « rouet », pièce de fonte en forme de cylindre de 8 cm environ de diamètre dont les deux extré­mités avaient chacune un pignon (petit pignon: roue dentée) et plus grand, côté batterie, ce dernier s'engrenant dans un autre plus petit clavetté sur un axe de fonte traversant le dessus du coffre de la batterie et dont l'autre extrémité était équipée d'une roue fonte d'environ 80 cm de diamètre, au périmètre finement denté d'où son nom « roue fine ». Cette dernière engrenant à son tour sur une petite pièce dentée clavettée sur l'axe du batteur de façon à obtenir une vitesse de rotation de ce dernier d'environ 1.200 tours minute ; tout cet ensemble, avec certaines pièces fort lourdes, était mis en place à mains d'hommes et nécessitait presque une demie journée à 4 ou 5 ayant de bons biceps. 

Comme le coût de ce matériel était assez élevé, souvent l'acquisition se réalisait entre parents ou entre voisins, d'autant que pour le faire fonction­ner il fallait également s' entraider. 

Son fonctionnement nécessitait cinq chevaux, une personne placée à l'intérieur du rond pour surveiller la régularité de marche des chevaux, une sur la barge, une à délier et à mettre les gerbes sur la table placée devant l'ouverture de la « batterie », une autre« démotonner » (dérouler les bras­sées constituant les gerbes), « l'engreneur » celui qui alimentait le batteur, de l'autre côté face à l'engreneur tombait la paille, qui après passage sous le batteur avait laissé la quasi totalité de ses grains, qui tombaient à terre au travers d'une grille métallique placée sous le batteur, paille reprise par plusieurs femmes qui la secouait afin d'en faire tomber les derniers grains ensuite cette paille reprise à la fourche était portée au pailler et montée à l'échelle, à mesure que ce dernier s'élevait. Pour la confection du pailler c'était souvent l'affaire d'un spécialiste en équilibre. Le grain séparé de la paille était tiré de sous la batterie et sous les « feneuses » par deux person­nes au moyen de « piherne » (rateau de bois à dents droites) qui le poussaient à proximité du« moulin à vanter » (tarare), ce dernier occupait trois personnes une pour mettre dans la trémie, une pour actionner le tarare, une pour assurer la régulation et au cul du moulin un gosse pour tirer le grain séparé de ses baies. Il était mis en sacs et porté par un ou plusieurs hommes (suivant distance) au grenier. 

Cet ensemble de personnes 15 à 17 représentait un « bataillon » dans lequel chacun avait sa spécialité, bien que le travail était pénible il se déroulait dans une ambiance gaie. Ce bataillon entraînait des soucis pour la fermière chez laquelle il était pris en subsistance, à six heures il fallait prévoir le casse-croûte et café, à neuf heures soupe et volaille ou bœuf vinaigrette, à douze heure un bon repas avec rôti et salade, à 16 heures collation, à 19 heures - 19 heures 30, soupe aux choux et fruits saison. Entre 6 et 8 heures à mi-temps, arrêt pour laisser souffler gens et chevaux ; pendant ce temps les cuisinières venaient à l'aire avec les « picherées » de cidre et faisaient le tour des « batous » en leur versant la bolée - cette manœuvre se répétait entre 9 h et midi, entre 14 h et 16 h, entre 17 h et 19 h - A 8 h, midi et 16 h les chevaux étaient dételés, abreuvés et soignés. 

Une précision, à cette époque il n'était question que de l'heure solaire, une deuxième sur l'ambiance ; pendant les arrêts les jeunes « rollaient » (roulaient) les filles dans les «eupigots » (tas de bales). Lorsque la batterie était terminée dans une ferme, les spécialistes montaient au grenier (met­taient le tas de grain à poids). Le soir c'était la fête « la parbattre » et on arrosait ça comme il convenait, cidre, cidre bouché à gogo, vin et café arrosé, chanteurs et chanteuses se faisaient entendre, on dansait même au son de « l'Armonica » vers onze heures - minuit chacun regagnait ses pénates. 

Une modification avait été apportée par certains en adjoignant à la bat teuse côté sortie paille un « secoupaille », dispositif de la même largeur que la batteuse qui recevait la paille généralement sur trois secoueurs, constitués chacun de deux planches de sapin maintenues en parallèle par des entretoises et couverts d'une fine tôle ajourée pouvant laisser passer les grains. Ces secoueurs étaient maintenus à l'intérieur d'un châssis dont les côtés en bois faisaient environ 50 à 60 cm de haut, ils étaient actionnés au moyen d'un vilebrequin dont une extrémité était munie d'un volant relié par une courroie de cuir à un autre volant clavetté sur l'axe de la roue fine. Cette adjonction permettait de supprimer les « feneuses ». Des « machines à feu » (à vapeur) locomobile + vaneuse sont apparues dans les environs de Châteaubriant (grandes fermes) vers 1912-13 ; mais sur la commune postérieurement à la guerre 1914-18; les principaux entrepreneurs étaient Adrien Chauvin de Béré, Rolland du «Margat» en Soudan, Pichot du «Pas-Hervé» en Moisdon-la-Rivière. 

Ces matériels assez puissants nécessitaient davantage de personnes : 25 à 28, si bien que certains propriétaires de « batteries » firent transformer ces dernières en remplaçant le manège par un moteur à essence et en adaptant un monte - paille au bout du secoupaille, ce qui supprimait chevaux et l'échelle de 28 barreaux. 

D'autres achetèrent des matériels moins importants (vanneuses plus petites) actionnées par des moteurs à essence, et nécessitant sensiblement le même nombre de personnes que les « batteries ». 

Les gros matériels avaient noms de « Merlin » « Brelou » et étaient fabriqués à Vierzon, les matériels moins importants avaient noms de « Froger »« Braud » cette dernière marque fabriquée à St-Mars-la-Jaille. Les moteurs à essence employés étaient surtout des « Bernard ». 

Après avoir demandé une durée de trois semaines la campagne de batterie fut ramenée à une dizaine de jours avec l'emploi de ces matériels. 

Après le battage du sarrasin ou blé noir en septembre, il fallait songer à recommencer le cycle. Des vacances ! Point ! Inconnues !

 

PÉRIODE 1945-1980 (par Jean Cherhal)

 Pourquoi 1945 ? C'est pour moi une date mémorable fin de la guerre, retour des captifs et puis, parce que très rapidement les choses n'ont plus été celles, que nous avions connues avant 1939. 

Je partagerai les trente dernières années en trois décades pour faciliter la compréhension de l'évolution. 

Les cinq premières années 1945-1950 nous ont occupés à remettre nos fermes en état, parce que pendant l'occupation énormément de choses manquait : matériel d'entretien, ferrures; engrais et un certain relâchement dans la tenue s'était produit du fait du manque de main-d'œuvre,

d'autre part les cheptels bovins et chevalins avaient été décimés par les réquisitions des Allemands. 

A signaler néanmoins une apparition insolite dans le village de la « Touche ». Un tracteur « Farmal » fut acquis par Monsieur Jean Renaud, c'était le premier et il fut beaucoup regardé. 

En même temps, Monsieur Renaud avait acheté une charrue et débuta une petite entreprise de labours, à ce tracteur il attela ses instruments anciens qu'il modifia, il fit construire une remorque et se servit également de son tracteur pour tirer d'aire en aire sa petite vanneuse, aussi actionnée par ce tracteur. Ce fut un évènement à l'époque !

 

PÉRIODE 1950-1960

Cette décade vit l'application des lois sociales en agriculture pas sans difficultés.  

On assista également au cours de cette période à la vulgarisation de nouvelles méthodes tendant à améliorer la productivité. 

Monsieur Bord, Directeur des Services Agricoles en L.A., s'employa à créer les premiers Conseillers Agricoles, qui furent les artisans de cette vul­garisation. 

Très tôt on vit surgir à Erbray, comme dans d'autres communes, des brochures donnant des conseils pour le labourage des pâturages afin de réno­ver ces derniers par passage de récoltes de céréales ou si c'était impossible, par rénovation immédiate au moyen de labours, amendement, fumure et graines appropriées. A part, cette nouveauté, l'assolement ancien subsistait tel que nous l'avaient appris nos parents. 

Dans le domaine de l'élevage, la race Maine - Anjou était encore majoritaire, suivie de Normande, croisés M. A. - Charolais et Normandes - Charollais; quelques Frisonnes importées de Hollande ou venant du Nord de la France apparurent. 

Dans les méthodes d'affouragement, le pâturage tournant commença à être pratiqué, d'autre part les clôtures en fil de fer barbelé se généralisant, les animaux furent maintenus plus longtemps sur les prairies et la période de stabulation réduite à la durée de l'hiver. 

Les tracteurs furent plus nombreux avec la charrue ou le brabant adaptés; en dehors de la charrue et d'une remorque, aucun autre matériel n'était acquis, on transformait plutôt le matériel hippo. Quelques presses - ramasseuses basse densité apparurent également. 

Une variante importante à signaler au cours de cette décade, la vente du lait pris à la ferme par les laiteries se généralisa assez rapidement. Malgré l'avènement des tracteurs, l'élevage du cheval était encore assez florissant et je me souviens qu'à la Touche, il y avait de nombreux poulains, la station de Monsieur Eugène Renard admirablement montée en étalons racés et primés étant toute proche; il nous était facile d'y conduire nos juments. 

Il est utile aussi de signaler qu'en fin de cette décennie, nous enregistrions des améliorations de rendements par rapport au début, les céréales d'automne atteignaient de 35 et même 40 qx/ha, les bonnes laitières contrôlées donnaient 3.500-3.800 l. de lait l'année. 

En prairie temporaire, après une première coupe en vert ou un pâturage de printemps, on arrivait à faire 4 à 5 tonnes de foin. 

L'emploi de doses plus importantes d'engrais commençait à se généraliser. La densité du cheptel commençait également dans les fermes bien conduites à dépasser une tête de gros bétail à l'hectare. 

Cependant, les petits bordiers attirés par les salaires de la ville d'une part, d'autres agriculteurs munis de main-d'œuvre familiale et de matériel contribuèrent ensemble à faire passer le nombre des exploitations de 295 en 1950 à 251 en 1960.

 

DEUXIÈME DÉCADE 1960-1970 

Ce fut la période d'introduction massive de tracteurs et matériel tracté, abandon du cheval et du matériel hippo du à l'arrivée d'agriculteurs plus jeunes, à la suite de cession par les parents de l'exploitation, soit que ces derniers aient atteint l'âge de la retraite soit qu'ils aient bénéficié de l'Indemnité Viagère de Départ. 

Apparition donc de tout un ensemble tracté dans les exploitations, charrue monosoc ou bisocs, herse articulée portée, cultivateur porté, pulvérisateur porté, rotavator, semoir, barre de coupe, faucheuse rotative, râteau - faneur, presse - ramasseuse à faible et moyenne densité, remorque avec relevage hydraulique, cultipacker, etc. A noter également l'avènement incontesté du moteur diesel et abandon quasi total des tracteurs à essence. 

Quelques moissonneuses-batteuses apparurent chez les agriculteurs qui firent de l'entreprise de battage ; construction massive de hangars à fourrage. 

La spécialisation se précisa, exploitations spéculant sur le lait, les plus nombreuses, d'autres sur la viande, d'autres sur les porcs. L'aviculture (spécialisée) pris naissance au cours de cette période. 

La culture de l'herbe se généralisa, le maïs apparut et avec lui la généralisation de l'ensilage, remplaçant partiellement foin et paille pour l'affouragement. 

Seuls restaient à l'assolement ancien, les agriculteurs proches de la retraite dont la succession n'était pas assurée par un membre de la famille, car les autres sous la pression de leurs enfants qui pour la plupart avaient suivi des cours agricoles, commencèrent à amorcer le changement. 

En élevage, le cheval sans disparaître complètement, tomba à quelques unités, la Maine - Anjou fut détrônée, la Frisonne devint reine, la densité du cheptel fut accrue de même que les rendements de toutes sortes. 

Ces investissements lourds portèrent, tout naturellement, ceux qui le pouvaient à essayer d'agrandir leur exploitation, soit par achat soit par fermage. 

La disparition des exploitations continua, puisqu'en 1960 il en existait 251 et qu'en 1971 il n'en restait plus que 204. 

L'élevage est devenu dominant au détriment des céréales, de 30 % anté­rieurement ces dernières tombent à 12-15 % des superficies d'exploitation, le maïs varie de 25 à 40 % des superficies et les prairies temporaires représentent de 30 à 50 %, seules quelques prairies naturelles ne pouvant vraiment pas être cultivées restent en l'état, abandon total de la culture de sarrasin et quasi total de celle de la pomme de terre.

 

PÉRIODE 1970-1980 

Période caractérisée par un nombre plus important de retraités agricoles. 

Remembrement du territoire communal, modifiant profondément les structures précédentes : par un groupement du parcellaire de chaque exploitation, par un nouveau réseau de desserte, un recalibrage des ruisseaux. Ces améliorations ont entraîné des économies de déplacements et d'entretien de même que des facilités d'accès et d'exécution des travaux culturaux. Les nouvelles parcelles mieux dessinées d'une superficie plus importante, un écoulement plus rapide des eaux en excédent, permettent l'emploi de matériel moderne. 

Diminution du matériel de faible puissance, accroissement de matériel plus puissant dans toutes les catégories ; apparition de quelques matériels nouveaux: broyeurs de fanes, charrue trisocs et généralisation des chargeurs frontaux, des bennes, épandeurs de fumier, des élévateurs de bottes et céréales. La presse à fourrage moyenne densité prime au détriment de la basse densité, les outils jumelés font également leur apparition derrière les tracteurs puissants faisant plusieurs opérations culturales en une seule fois. 

Les nouvelles méthodes entraînent la construction de nombreux bâtiments d'élevage plus fonctionnels, l'installation de transfert avec bacs à lait (tanks) et de salles de traite. 

Stabulations libres et entravées, bâtiments à logettes pour veaux, d'autres pour élevage de taurillons, porcherie, poulaillers, bergeries.

Au cours de cette période, l'agriculture tend vers l'industrialisation ; et la disparition des plus faibles s'est inexorablement poursuivie, 204 exploitations en 1971, 140 en 1980. 

En parallèle, l'habitat humain a été beaucoup amélioré soit par transformation de l'ancien ou constructions neuves. 

A noter cependant, que fin 1980, les exploitations entièrement spécialisées restent minoritaires; plus nombreuses sont celles qui continuent de spéculer sur plusieurs productions.

 

SOUVENIRS RÉCOLTÉS (par Madame M.-Louise Guihard) 

Près de Madame Renaud âgée de 80 ans, « Lors du mariage de mes parents, deux ménages et la grand-mère vivaient dans une seule pièce ». 

Près de Madame Chazé, qui se souvient qu'en 1929 dans un village non loin de la «Touche», huit personnes vivaient dans une seule pièce». 

Madame Guihard ajoute, « On a encore connu une seule pièce pour les gens, la chaudière dans le coin de la maison pour faire les lessives et cuire les pommes de terre et tout à côté communiquant avec l'habitation, l'étable ».

 

LA FERMIÈRE DE 1925 (par Madame Saulnier)

 Habitation.- Construction de moellons et schistes apparents avec mortier de sable et chaux, murs larges et de faible hauteur, généralement une seule pièce, rarement deux, sol de terre battue, une fenêtre, une porte pleine sans imposte, en appentis, un cellier ou débarras. 

Intérieur.- Une grande table et deux bancs, quelques chaises, un vaisselier, quelquefois une maie ou un pétrin, parfois un ou deux lits de coin suivant l'importance de la famille. Une grande cheminée autour de laquelle la famille se réunissait les soirs d'hiver, une crémaillère, une marmite, un chaudron de fonte, des pinces, une palette en étaient la garniture habituelle, une lampe à pétrole suspendue au plafond. 

Lorsqu'il y avait deux pièces, dans la seconde se trouvaient généralement plusieurs lits de coin, ayant des rideaux fleuris, une ou deux armoires avec de beaux cuivres, une commode et quelques chaises, les murs blanchis à la chaux. 

Travail.- Le travail de la fermière était très dur. Faire le pain tous les huit à dix jours, chauffer le four pour le cuire, traire les vaches à la main (pas de trayeuse), écrémer, faire le beurre, le porter au marché, faire la lessive et rincer le linge au ruisseau, soigner les cochons les petits ou les gras; c'était le contraire de maintenant, lorsqu'ils étaient maigres le marchand n'en voulait pas, il fallait les garder huit jours de plus.

La fermière élevait également des volailles pour nourrir la famille, elle faisait aussi de temps à autre l'appoint dans les champs pour aider les hommes, semer les pommes de terre, planter les betteraves et les choux, faner, suivre la faucheuse pour lever la javelle; ensuite les battages pendant trois à cinq semaines avec les manèges à chevaux. 

Ce travail, très dur, ne nous empêchait pas de faire la fête le soir, chanter et danser. 

Vers 1930, des changements intervinrent avec la venue de l'électricité, l'éclairage d'abord, quelques postes de T.S.F. 

Les cuisinières à bois apparurent (des Rosières). 

1939, la guerre ! Départ des hommes, difficultés pour le travail des champs, par la suite occupation avec toutes les restrictions, cinq années très éprouvantes. 

L'après-guerre a tout bouleversé : trayeuse, gazinière, machine à laver, télévision; puis après 1960 : transformation de l'habitat, la fermière com­mence à connaître le confort, cuisine avec tous les aménagements, salle de séjour, chambres agréables, salle de bains. La fermière ne va plus aux champs, maintenant elle n'a plus rien à envier à la citadine, ce pourrait être l'inverse.

 

ÉVOLUTION DE L' ARTISANAT (Charpente – menuiserie – forge - tonnellerie) par E. DELAUNAY 1925-1939 

A cette époque, tout le travail se faisait à la main. En premier lieu, il était procédé à l'abattage et à l'ébranchage des arbres à la hache et au harpon. Ensuite on les transportait avec les chevaux à la ferme où le tronc était équarri à la hache, monté à dos d'hommes sur un chevalet sur lequel il était fixé, ensuite son débitage était effectué en planches ou madriers selon les besoins avec la scie de long, un homme sur la bille et un en dessous, travail très dur, souvent fait pendant l'hiver. 

Tous les travaux étaient pratiqués chez le client. Le matin très tôt l'on remplissait sa musette de menus outils et scies sur le dos, en vélo l'on gagnait le lieu de travail, où ce dernier s'effectuait souvent dehors ou s'il pleuvait sous des hangars ouverts à tous vents avec des établis plus ou moins bancals. Le soir après avoir bien travaillé, à 7 heures nous reprenions scies, varlopes, règles, musette et le vélo pour rentrer. Le client n'était pas toujours à proximité, il m'est arrivé d'aller en vélo chargé comme un bourricot jusqu'à Joué-sur-Erdre. Lorsqu'il y avait du travail pour plusieurs jours et que nous étions loin, nous couchions sur place, nous étions nourris par le client, souvent il s'agissait de débiter des perches de châtaigner à la scie à crochet et de faire des barrières. 

A l'atelier nous fabriquions tombereaux, charrettes, voitures anglaises;

cette dernière fabrication était particulièrement intéressante car elle requérait une belle finition. 

Tout le travail était naturellement fait à la main, les roues exigeaient aussi beaucoup de précision surtout lors du cerclage, car le cercle de fer devait être chauffé à une température bien déterminée pour que sa dilatation permette de le placer et qu'ensuite son refroidissement opère un serrage très homogène des jantes et rayons sur le moyeu. Ce travail s'opérait toujours en été, quelles bonnes suées avons-nous ramassées devant ces brasiers ! 

L'automne arrivé, il fallait aller d'une ferme à l'autre pour réparer les fûts ; les fûts neufs se faisaient à l'atelier, c'était également un travail de précision intéressant. 

Le principal matériau de charpente était le chêne, tous les éléments de ces charpentes étaient montés à l'échelle à dos d'hommes, de même que le solivage des bâtiments ; quelquefois nous établissions des échafaudages de fortune; deux charrettes accouplées et des tréteaux sur lesquels nous posions des madriers. 

Pour les hangars, les épures se faisaient sur place sur des planches, à terre, en souhaitant qu'il ne tombe pas d'eau pour effacer nos traits.

 

PÉRIODE 1939-1960

De 1939 à 1946, nous avons connu de grosses difficultés d'approvisionnement. 

Après la guerre, les premières scies à ruban, raboteuse, dégauchisseuse, toupie, mortaiseuse apparaissent. Quel soulagement ! Pendant quelques années, la construction des tombereaux et charrettes est continuée ; mais le progrès suit son cours et très vite nous passons à la fabrication de plateaux avec roues sur pneus, bétaillères, après le plateau fixe, le plateau basculant, les petites remorques. Le travail à la ferme est complètement abandonné, tout est préparé avec les machines à l'atelier.

 

1960-1980 

Il faut opérer une mutation, transformation complète et s'orienter vers le bâtiment : hangars à fourrage, stabulations libres ou entravées, maisons d'habitation, spécialement charpente et menuiserie. 

C'est un nouveau genre de travail également très intéressant. Maintenant fini la charrette à bras et les charpentes à dos d'homme. 

Camions et fourgons transportent avec aisance outils, personnel et matériaux sur les chantiers, des outils de levage aussi variés que puissants facili tent au maximum le travail ; dernièrement une toiture de moulin dont la réfection entière bois et ardoises faite à terre, a été posée sur le sommet avec précision par un puissant engin de levage ! Quel progrès !

 

COUTUME ANCIENNE

Autrefois, lors d'un décès, quelle que soit la distance séparant l'habitation du décédé de l'église, cette distance était parcourue à pied.

Le cercueil était chargé par les porteurs, généralement les voisins, dans une carriole tirée par un cheval, recouvert du drap mortuaire sur lequel était presque toujours placé un Christ; ensuite le convoi se mettait en route précédé d'un voisin portant la croix, suivi de la carriole, des porteurs, de la famille, des parents et amis. Préalablement, les porteurs avaient fabriqué autant de petites croix de bois (généralement avec du noisetier) qu'il y avait de calvaires entre la demeure du défunt et l'église et à chaque fois que le convoi passait devant l'un de ces calvaires, il s'arrêtait, et l'un des porteurs allait déposer une petite croix de noisetier au pied du calvaire. Le sens attri­bué à cette démarche était une participation au sacrifice du Christ

 

LE CLUB D'ERBRAY

par Georgette Bossé sur l'air (Étoile des neiges)

 

Refrain

C'est le Club d'Erbray ; ce sont les aînés

Joyeux, ils chantent, c'est la gaîté

On est toujours jeune, on est bien heureux.

Pour aujourd'hui, on peut se croire un peu moins vieux.

 

1er couplet

Que se passe-t-il au village ? Quel est ce nouveau mouvement ?

On dirait des groupes de pies qui jacassent

Que veul'nt dire tous ces rassemblements ?

 

Refrain

 

2e couplet

Les aînés du Club d'Erbray rencontrent partout des amis

Racontent leurs peines, leurs joies, leurs soucis

Se quittent sur un mot gentil.

 

Refrain

 

3e couplet

En nous c'est l'amour qui rayonne pour mieux servir le prochain

Nous qui pensions n'être plus bon à rien !

Nous sommes plus utiles que jamais.

 

refrain

 

couplet

Quand viendra notre dernière heure, ce sera pour nous jour de joie

Tous, nous croyons être plus ou moins effrayés

Maintenant c'est la paix retrouvée !

 

Refrain

 

Vive le Club d'Erbray

 

 LES SABOTS DE BOIS

En Hollande, un soir auprès d'un vieux moulin

Sur une colline embaumée de jasmins

J'ai cru voir soudain danser devant moi

Le paradis sur deux sabots de bois.

 

Ah ! Qu'il faisait bon auprès du vieux moulin

A l'heure où la nuit distille ses parfums !

L'ange qui gaiement m'a conduit tout droit

Au paradis sur deux sabots de bois

 

Hélas ! C'est vrai, l'amour est éphémère,

Il n'est jamais de vrais paradis sur terre. 

L'onde grise reflétait au vent de nuit

Les lampions du petit bal endormi

 

Et la brise répétait dans les buissons

Les frissons de nos folles chansons. 

En Hollande, un soir auprès d'un vieux moulin

De mon vieux moulin qui ne moud plus de grains

 

Un instant, j'ai cru serrer contre moi

Le paradis sur deux sabots de bois. 

Je veux revoir ce paradis d'une heure

Avec l'espoir qu'à tout jamais il demeure.

 

Je veux retrouver l'ange du vieux moulin

Et laissant des jours s'égrener le destin

Regarder danser tout comme autrefois

Le paradis sur deux sabots de bois.

 

(Par Léon Moulin) 

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